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Je me souviens

 

 

 

Un texte dont chaque phrase commence par « Je me souviens »

 

Je me souviens que j’étais scout

Je me souviens que j’étais zazou

Je me souviens que j’ai été résistante

Je me souviens avoir traversé la France pour retrouver mon frère

Je me souviens, j’avais quinze ans

Je me souviens, mon frère était lieutenant, il était prisonnier

Je me souviens, ils m’ont laissé entrer dans le camp

Je me souviens, il est parti dans un autre camp, en Allemagne

Je me souviens, il a été libéré, ça devait être en 1946

Je me souviens, il m’a présenté un de ses amis de captivité

Je me souviens, cet ami vivait à Lyon et je l’ai épousé

 

 Je me souviens de ma première école

Je me souviens de ma première chambre

Je me souviens de mes premiers chats

Je me souviens des premiers réverbères

Je me souviens des dimanches

Je me souviens avoir passé toutes ces belles années à travailler

 

 

Je me souviens de la chambre à l’armée avec mes vingt copains

Je me souviens de Giscard qui allait manger chez les gens

Je me souviens lorsque tous les quatre nous étions à la forge

Je me souviens des contradictions des hommes politiques

Je me souviens de mon anniversaire pour mes dix ans dans le Poitou

Je me souviens j’étais la tête de turc à la récréation

Je me souviens j’avais écrit sur une planche près de l’école « j’emmerde le professeur »

Je me souviens des erreurs de jeunesse

Je me souviens en Poitou du bon vin venu de Touraine

Je me souviens je me suis lancé dans la politique mais simplement comme amateur.

Je me souviens j’aime réfléchir sur des idées

Je ne sais plus trop pourquoi ma mère m’a appelé Jean.

Je me souviens mal des gens rencontrés dans cet hôpital

Car je perds la mémoire

 

 

Je me souviens de l’école en Bretagne, quand j’en avais assez, je partais

Je me souviens du retour par les petits chemins près de la forêt de Brocéliande

Je me souviens des rondes à l’école

Je me souviens des crêpes et des galettes pour les fêtes

Je me souviens des coiffes bretonnes et de la grande cafetière dans la cheminée

Je me souviens des chants dans la cour de récréation

Je me souviens des processions en Bretagne avec les angelots dans leurs paniers et des pétales de rose dedans

Je me souviens des couronnes de roses sur la tête

Je me souviens d’un vendredi 13 février, mon frère est né

Je me souviens des insomnies la veille des départs en vacances en famille

Je me souviens de mes premières sorties entre amis

Je me souviens des évènements horribles qui ont eu lieu en 2015 et 2016

Je me souviens de ma joie lors des résultats du bac

Je me souviens de ma joie lors de mes résultats au concours d’infirmière

Je me souviens des Noël passés en famille

Je me souviens des kermesses de fin d’année

 

Je me souviens de mes vingt ans en 1948 à Berlin

Je me souviens que l’écologie est ma passion

Je me souviens de l’importance de la famille

Je me souviens être arrivé ici alors qu’une minute avant j’étais dans mon lit

Je me souviens des livres de Pierre Rabi

Je me souviens de la chanson Quand on que l’amour de Jacques Brel

 

 

Je me souviens des dimanches où mes parents organisaient des sorties surprises

Je me souviens des ballades en vélo en famille

Je me souviens des soirs où j’allais travailler à la ferme avec mon papa

Je me souviens d’un Noël sans neige comme souvent

 

 

Je me souviens des skittles que mon père m’achetait quand j’étais petite

Je me souviens du bruit de l’estrade quand j’allais au tableau

Je me souviens de la première fois que j’ai pris l’avion pour aller voir le pays de mes parents

Je me souviens de mon premier jour ici à K1  il y a quatre ans

Je me souviens de l’odeur de la colle Cléopâtre en primaire

Je me souviens de ma douleur quand je me suis cassé le nez

Je me souviens de la première fois que je t’ai vu pleurer

Je me souviens de mon frère ne montrant mes cadeaux de Noël avant l’heure lorsque j’avais huit ans

 

 

Je veux souviens de l’accident de vélo qui m’amena aux urgences

Je me souviens de l’exclamation du jeune  interne face à ma plaie

Je ne souviens de la peur qui m’a envahi face à ses propos

Je me souviens de ma petite main broyant celle ma maman quand il a fallu me recoudre

Je me souviens des larmes de maman

Je me souviens des premiers pansements

Je me souviens des protège tibias  obligatoire pour me protéger du soleil alors qu’il faisait 35°

Je me souviens de la monitrice du centre aéré qui avait assuré à mes parents de me faire des pansements

Je me souviens de ma solitude et de la torpeur dans laquelle Elle m’avait laissé quand  Elle a enlevé le pansement et qu’elle m’a laissé en plan

Je me souviens de ma grande sœur qui du haut de ses 11 ans  avait déjà la fibre d’infirmière

Je me souviens de l’été de mes sept ans, j’ai pris conscience de ce qu’était l’amour fraternel ainsi que la méchanceté.

 

 

Je me souviens de ma croisière en plongée aux Maldives, je me sentais en harmonie avec la nature.

Je me souviens des délicieux bolets  que j’ai mangés hier, que mon voisin m’a apportée

C’était très bon de les  déguster en regardant le reportage de plongée d Ushuïa TV Je me souviens des saveurs, des odeurs, des couleurs du marché au Mexique.

Je me souviens très bien de mon arrivée à K1,  c’était le début d’une nouvelle aventure.

Je me souviens avec infiniment de satisfaction de mon entretien de ce matin.

Je suis ravi d’avoir pu dire merci et au revoir à cette personne,  avant son départ.

Le destin et souvent bien fait, qui m’a permis de la croiser au bon moment.

 

 

Je me souviens d’avoir pris un escarre

Je me souviens d’être très bien soigné

Je me souviens de m’être lavé la tête ce matin

Je me souviens des infos à la radio

Je me souviens de mes petits-enfants

Et même de mes arrière-petits-enfants autour de moi

Parfois, souvent, je ne me souviens plus de rien.

Souvenirs, souvenirs...

 

Développer un des souvenirs évoqués dans la liste des « Je me souviens » (cela peut-être aussi un souvenir de Noël pour ceux qui en ont envie)

 

À l’école des travaux publics ENTPE de Vaulx-en-Velin, je me souviens avoir accepté de me déguiser en Père Noël et de distribuer les jouets aux enfants du personnel. Les parents me les présentaient l’un après l’autre. Certains étaient effrayés et pleuraient. Les plus courageux m’embrassaient en faisant une petite grimace. En effet, la moustache et la barbe était très piquantes. À cette occasion, je me souviens d’une anecdote amusante. Un ami s’approche avec sa petite-fille qui s’est écrie « C’est pas le Père Noël, c’est Michel, j’ai reconnu ses chaussures ! C’est Michel ! »

J’avais oublié de mettre les bottes du Père Noël…

 

Je me souviens de ma classe à la campagne alors âgé de six ans, si loin de mes parents d’accueil. Y sévissait un enseignant qui nous apprenait le matin les voyelles accolées aux consonnes  à coup de règle sur les doigts,  pour mieux écrire. Et les genoux au bord de l’estrade avec les deux bras tendus et des bouquins. Lorsque ceux-ci flanchaient, les coups de pied dans les fesses pleuvaient. Quel enseignement pour un tel maître qui se nommait Monsieur Clavel !

 

Je me souviens de ce fameux Noël mon frère m’a montré mes cadeaux avant l’heure. C’était des cassettes vidéo, une du concert de Dorothée et une de Blanche-Neige. Ça a mis mon père dans une grande colère, il était déçu  parce qu’il voulait me faire la surprise. Alors je lui ai dit que je n’avais pas vraiment vu, il ne m’a pas cru. Je me souviens que ce Noël, j’ai eu tout ce que je voulais. Une poupée Barbie, Le jeu de la Bonne Paye, un synthétiseur parce que j’étais dans ma phase musicienne et les deux cassettes vidéo. Je me souviens de la joie que j’ai ressentie, non pas tant pour les cadeaux mais pour tout cet amour que j’ai reçu. Je suis la plus jeune de cinq frères et sœurs et on ne fête pas vraiment Noël chez nous mais je savais qu’ils avaient fait tout ça pour moi, afin de gâter leur petite sœur qu’ils aimaient tant.

 

 

Je me souviens d’un Noël, j’avais 5 ans. Le sapin de Noël était prêt, les chaussures devant la cheminée.

J’attendais le père Noël qui devait arriver le matin du 25 Décembre.

Mes copines de l’école me disaient que le père Noël n’existait pas, alors que mon père me soutenait le contraire. J’avais un doute, mais mes amies m’ont démontré qu’il n’existait pas. Au réveil, furieuse, j’ai attrapé mes jouets et j’ai voulu les casser, reprochant à mon père de m’avoir menti. Je lui en ai voulu pendant des années. Ce mensonge s’est répercuté sur ma vie de mère, je n’ai jamais dit à mes enfants que le père Noël existait, préférant ne pas leur mentir.

 

Je me souviens d’une nuit glacée, un froid à pierre fendre, combien pouvait-il faire dehors, moins dix, moins quinze degrés, pas de météo en ce temps-là pour vous informer que cette nuit-là allait être la plus froide de l’année. Un événement pour la petite fille qui piaffait d’impatience derrière la porte, quand est-ce qu’on part, quand est-ce qu’on part… C’était la première fois, d’habitude cette nuit-là elle dormait chez Mémé dans la maison voisine, mais les parents avaient convenu qu’elle était assez grande pour faire le chemin. Le petit frère dormait lui chez Mémé et elle, elle accompagnait les grands.

Dehors, la pleine lune, et la bise- on disait la burle par là-bas, «  va pas faire chaud, faut bien te couvrir petite. »

Mais la petite piaffait d’impatience devant la porte… Elle entendait des voix dehors qui appelaient « alors, on y va ? »

La porte s’ouvrait enfin, un froid glacial la saisit à la gorge, mais la fierté l’emporte, elle est assez grande pour aller à la messe de minuit, les kilomètres à pied, dans la neige, le froid, la bise, les flocons qui tourbillonnent et la lune qui joue à cache-cache.

Tout au long du chemin les petites lumières vacillantes pour guider les pas des villageois. Par ici, tout le monde va à la messe, sauf quelques uns qu’on qualifie de « rouges ».  Mais c’est une vraie fête tout au long du chemin.

 

 Je me souviens, âgé de quatre ans, atteint de primo infection pulmonaire, de m’être rendu à l’Hôtel-Dieu. Puis au dispensaire place Carnot pour subir une piqûre d’eau de mer dans le dos. Je me souviens de la séparation douloureuse d’avec mes parents pour vivre dans une famille d’accueil. Je me souviens de l’exode avec ma grand-mère, mais de mes tantes et mes deux cousines et ma mère. Nous fuyions devant l’arrivée des Allemands, dans des camps de blessés, je me souviens avoir couché sur la paille.

 

 

Je me souviens qu’on commençait par un repas en famille comme à chaque fois, et qu’il fallait être sages sinon le père Noël ne passerait pas.Je me souviens qu’après le dessert on devait aller se cacher dans la chambre et fermer les volets pour que le père Noël ne nous voie pas sinon il repartirait aussitôt. Et puis les parents nous appelaient et on découvrait une énorme quantité de cadeaux, nous avions tous exactement le même nombre de cadeaux sauf une de mes cousines qui en avaient un de moins, elle pleurait alors que mes parents rigolaient.

En effet, le cadeau avait été oublié, panique à bord, personne ne se rappelait où il était caché. Mon papa et mon grand-père sont alors partis à la poursuite du père Noël et ont ramené le cadeau tant attendu. Ce Noël s’est fini comme d’habitude avec du papier cadeau partout, tous les cadeaux à monter, l’oubli des piles comme à chaque fois et les jouets qui ne marchent pas.

 

Je me souviens de ce fameux Noël mon frère m’a montré mes cadeaux avant l’heure. C’était des cassettes vidéo, une du concert de Dorothée et une de Blanche-Neige. Ça a mis mon père dans une grande colère, il était déçu  parce qu’il voulait me faire la surprise. Alors je lui ai dit que je n’avais pas vraiment vu, il ne m’a pas cru. Je me souviens que ce Noël, j’ai eu tout ce que je voulais. Une poupée Barbie, Le jeu de la Bonne Paye, un synthétiseur parce que j’étais dans ma phase musicienne et les deux cassettes vidéo. Je me souviens de la joie que j’ai ressentie, non pas tant pour les cadeaux mais pour tout cet amour que j’ai reçu. Je suis la plus jeune de cinq frères et sœurs et on ne fête pas vraiment Noël chez nous mais je savais qu’ils avaient fait tout ça pour moi, afin de gâter leur petite sœur qu’ils aimaient tant.

 

Je me souviens de son  arrivée. Il est venu vers moi, tenant entre ses mains un emballage de carton blanc. Il m’a dit « c’est pour toi, ils sont frais. Je les ai faits ce matin. » C’était des marrons glacés. Les meilleurs que j’ai jamais mangés. Il a fait la cuisine avec son père. Ils ont décoré le ficus avec des guirlandes et des boules. Une fois que ce fût fini, ils me dirent, « et ne nous dit pas que ce n’est pas beau ! » Nous avons fait un succulent dîner, préparé par les deux hommes de ma vie. Ce fût le dernier Noël avec mon fils. Il est dans mon cœur aujourd’hui mais Noël, pour moi, c’est toujours douloureux.

Le corps

 

Le corps (Choisissez une partie de votre corps dont vous allez nous raconter l’histoire, de votre naissance à aujourd’hui).

 

Mes jambes. De 6 à 7 ans, j’ai fait énormément de chutes, jusqu’à l’adolescence, en apprenant à faire du vélo, seule, à  la campagne. Je tombais dans les orties. A l’âge adulte, rien de spécial.

 

Mes mains. À ma naissance, elles n’avaient rien d’extraordinaire, c’était juste, des mains de bébé. Avec le temps mes mains sont devenues longues et fines, je n’ai jamais mis de vernis car ma mère ne voulait pas, cela ne me gênait as, et puis mon mari n’y tenait pas non plus.

J’avais des bagues que je changeais au gré de mes envies et de mes vêtements. Aujourd’hui encore à mon âge, je les trouve jolies car elles ne se sont pas déformées avec le temps. Tout en moi a vieilli, mes mains, je les reconnais, elles sont moi.

 

Mes doigts. Vers soixante ans, mes doigts ont commencé à se déformer, mes deux mains se sont déformées en même temps. Maman était aussi rhumatisante. Il n’y avait pas grand chose à faire, je ne pouvais plus rien tenir, mon époux m’aidait pour le travail ménager.

Je tiens mes casseroles à deux mains, j’en casse beaucoup, je pense tenir les choses et puis non, ça tombe. Mes mains sont lus vilaines que douloureuses, heureusement, mais j’ai un grand regret, c’est de ne plus pouvoir porter de bagues.

 

Mes mains. Je suis venue au monde avec des petites menottes rondelettes. Mes mains ont d’abord servi à caresser, puis à écrire, pour mes études. J’ai ensuite appris la couture, place des Jacobins, et j’ai repris le métier de maman, qui faisait des diadèmes de mariés et des brassards, rue Chenavard.

J’ai rencontré Robert le 14 juillet au parc de la Tête d’or il avait de grandes mains, en se touchant, nos mains ont eu un frisson.

Mes mains m’ont ensuite servi à réparer notre appartement puis à préparer mon mariage. J’ai ensuite adopté un enfant, une merveille, ses mains, et toute sa personne, tout était beau chez cet enfant. J’aimais mes mains d’avant, celles de maintenant sont toutes noires d’avoir tant travaillées. Je mesurais un mètre cinquante sept, j’aime ma taille, je n’aurais pas voulu être plus grande.

 

Mes oreilles m’ont servi à entendre les mots doux de mes parents.

Elles ont été percées pour pouvoir y glisser des boucles. Mais elles sont maintenant trop fragiles et ne supportent plus aucun bijou. Elles écoutent la musique, elles subissent les caprices de mon petit frère, elles me rappellent quelques otites.  Petite, je voulais laisser pousser mes cheveux, pour les cacher, alors que ma mère préférerait que je les montre.

 

Depuis toujours, mes yeux ont été les seuls éléments de mon corps que j’ai aimés. Pas de mon fait mais parce qu’on me disait qu’ils étaient grands et beaux. Un coiffeur m’a dit une fois, j’avais seize ans, que j’avais des yeux d’Andalouse. Ma tante qui assistait à la scène lui a dit, pas touche, c’est encore une enfant…

 

J’ai toujours trouvé mes cheveux très beaux, et mon entourage aussi. Je les ai laissés pousser et ne les avais jamais coupés. Mon mari préférait que je les laisse longs. Le temps passant, il a quand même fallu que je les coupe. J’ai eu beaucoup de tristesse ce jour-là. J’ai fait mes premières teintures à l’arrivée de mes cheveux blancs. J’étais brune avant. Mais au bout d’un moment, j’ai laissé tomber les teintures, je les ai laissés pousser blancs et cela m’a convenu ainsi qu’à mon mari.

 

Ma taille fût ma hantise depuis mes huit ans. J’en ai tant entendu sur ma taille, comme si j’étais hors normes, et pendant tant d’années. A l’adolescence, étant la seule fille de la famille à avoir une belle taille  (à douze ans, je mesurais 1, 70 mètre et pour ma communion je ressemblais plus à une mariée qu’à une communiante), jusqu’à atteindre 1, 76 mètre à l’âge adulte. Dans ma famille j’avais droit à « girafe », « cigogne »… C’est seulement lorsque je me suis mariée que ce complexe, si lourd à porter, a disparu et que les réflexions ont cessé du fait que mon mari était grand. En fait, je ressemblais à mes grands-pères qui mesuraient l’un et l’autre 1,85 et 1,90 mètre.

 

J’aime mes rondeurs, dues en grande partie au chocolat, et aux bons petits plats. J’aime mes mains, qui caressent, écrivent, cousent, tricotent… Et mes jambes qui marchent, marchent, marchent… Une infirmière peut faire des kilomètres dans une même journée et un même service. Lorsque j’étais bébé, j’avais les cheveux plus clairs, je me souviens de photos où les cheveux étaient roulottés sur le haut du crâne, je les ai eus long dans mon enfance et mon  adolescence, puis courts, même très courts, frisés. Mes cheveux blancs sont apparus très tôt et je les ai cachés. Je me souviens d’une réflexion de mon fils, «  maman, il va falloir faire ton coloriage ». Il était temps de cacher la démarcation entre les cheveux blancs et les cheveux bruns.

Aujourd’hui, pour faciliter j’ai opté pour des cheveux courts plus faciles à coiffer et je trouve que ça me rajeunit un peu.

 

J’ai un frère jumeau et lorsque nous étions enfants, nous nous ressemblions beaucoup. J’aimais compter les grains de beauté et les taches de rousseur sur le nez de mon frère pour les comparer aux miens. A treize ans, je faisais une tête de plus que lui, j’en riais aux éclats, mon frère lui était très vexé. Puis on a mesuré la même taille, puis il m’a largement rattrapée. La couleur de nos cheveux a changé, puis nos corps se sont différenciés, on se ressemblait de moins en moins, personne ne pouvait plus croire qu’on était jumeaux. Pour tous les deux, ça a été difficile à accepter, nous avions grandis comme deux miroirs réfléchissant, dans les yeux l’un de l’autre, et l’âge adulte nous séparait.

 

J’étais une petite fille bien potelée, avec une chevelure brune, et les yeux verts. En grandissant, vers l’âge de trois ans, mes cheveux se sont éclaircis vers une teinte bien plus blonde. Mes cheveux ont poussé raides, et d’après une photo de cet âge-là, j’avais une coiffure avec une frange qui m’arrondissait le visage. Jusqu’à dix ans environs, j’ai porté cette coiffure puis on m’a frisé les cheveux et enlevé la frange. J’avais grandi et n’avais plus la même silhouette, une ado était née. En tant que jeune fille, j’ai fait un apprentissage de couturière et de vendeuse en magasin. A cette époque-là de ma vie, j’ai énormément fréquenté les coiffeurs pour éclaircir mes cheveux vers la teinte, «  blond Or ».

 

J’ai choisi mes jambes car dans notre métier, on dit toujours que quand on n’a pas de cerveau, on a des jambes. Et je confirme que mes jambes me sont très utiles, voire indispensables, surtout en cas d’oubli. Rien que ce matin, j’ai dû faire plusieurs allers-retours pour une même chose.

 

Une journée de verbes

 

 

Raconter sa journée depuis son lever sous forme d’une liste de verbes à l’infinitif

 

Retarder le réveil

Caresser le chat

Prendre ma douche

Me brosser les cheveux

Mettre mon écharpe mes gants

Marcher

Arriver au travail

Pointer

Prendre la relève

Préparer le café

Fumer ma première cigarette

Discuter avec les collègues

Me laver les mains

M’occuper de Madame S

M’occuper de Madame L

M’occuper de Monsieur F

M’occuper de Madame R

M’occuper de Monsieur M

M’occuper de Monsieur B

M’occuper de Madame S

M’occuper de madame C

M’occuper de Monsieur G

M’occuper de Monsieur I

M’occuper de Madame P

M’occuper de madame T

M’occuper de Monsieur Z

Répondre à tous les coups de sonnettes entre deux soins

Me laver les mains

Ranger

Préparer les chambres

Organiser les départs

Faire manger les patients

Manger moi-même

Aider les collègues

Faire mes  transmissions

Assister à la relève de 14 heures

Aider les brancardiers pour l’entrée du jour

Aider une patiente à ranger ses affaires

Aller voir les patients pour leur proposer l’atelier d’écriture

 

 

 

 

Me réveiller

Prendre le petit déjeuner

Boire mon café noir très sucré

Déguster les biscottes beurrées (Je prends deux ou trois, au maximum quatre biscottes. J’arrive encore à  étaler le beurre  sans casser la biscotte c’est déjà ça.)

Attendre la coiffeuse

Voir la coiffeuse, enfin (Je la demandais depuis longtemps, c’est agréable d’avoir enfin les cheveux propres et d’avoir quelqu’un qui vous touche les cheveux le visage le cou.)

La journée peut commencer. L’infirmière me demande toujours si j’ai passé une bonne nuit je lui réponds  et vous,  vous avez bien dormi ?

 

 

 

 

Éteindre mon réveil. Me préparer pour cette nouvelle journée.

Prendre le métro (beaucoup trop de monde ce matin).

Échapper un moment en plongeant dans mon livre pendant le trajet.

Saluer tous les soignants qui sont présents ce matin.

Réorganiser la journée car une adjointe est absente.

Participez à la synthèse.

Joindre Catherine pour l’alerter les difficultés pour faire face a l’absentéisme.

Faire une pause pour le déjeuner

 

 

 

 

Ouvrir les yeux

Ouvrir la fenêtre

Déjeuner

Se doucher

S’habiller

Allumer la télévision

Regarder les informations

Se préparer à manger

Manger

Faire la vaisselle

Marcher

Monter dans un tram

Se changer pour une tenue plus professionnelle

Faire sa relève

Voir les patients

 

 

 

Se réveiller

S’habiller

Descendre les escaliers

Se coiffer

Se laver

Faire chauffer le lait

Préparer le repas

Mettre le repas dans une gamelle

Se laver les dents

Se maquiller

Mettre son manteau

Prendre le métro

Entrée à l’hôpital

Se changer

Dire bonjour

Prendre la relève

Préparer le chariot

 

 

 

Se réveiller

Aller à la salle de bain

Revenir dans ma chambre

Boire le café

Déguster des biscottes  beurre

Retourner à la salle de bain

Se laver

Se coiffer

Prendre ses vêtements et se changer

Attendre les infirmières pour les soins

Attendre la distribution de médicaments

Attendre

Attendre

Attendre

Par la porte entrouverte de ma chambre, je vois tant de monde qui se croisent.

Je lis des livres de bibliothèque, mais ce sont toujours des livres modernes.

En venant écrire ici avec les autres, je me sens redevenir un peu moi-même.

Après la distribution des médicaments, je parle avec l’infirmière. Elle est très gentille avec moi. Ensuite, j’ai eu droit aux conseils de la psycho-motricienne. Ensuite j’ai fait la connaissance de la spaciomotricienne, eh oui, ça existe, pour les rangements de la maison, elle m’a expliqué comment m’y prendre pour que ce soit pratique à mon retour chez moi.

Prendre le repas de midi et se préparer à l’atelier écriture

 

 

Ce matin, à neuf heures, une infirmière est entrée dans ma chambre, une petite brune dynamique. Comment allez vous, m’a t elle demandée. Et comme tout allait bien, elle est repartie. Moi j’aime beaucoup les infirmières de ce service, elles sont gentilles, et souvent je les fais rire, elles me disent ah madame, ça fait du bien de rire avec vous.

Ma vie d'infirmière

 

 Ma vie d’infirmière

 Malgré l’amour de mon métier, la retraite a été pour   moi  une libération, deux  ans après, je rêvais encore que j’étais au travail dans une situation stressante.  Peu à peu, j’ai eu l’habitude  de prendre des rendez  vous de pouvoir m’y rendre…

Une journée à l’hôpital,  les dernières années je travaillais   en  consultations centrales de chirurgie.  Non nous n’étions pas des planquées,  il fallait avoir une bonne santé morale et physique.   Nous devions arriver à huit heures, moi j’étais toujours en avance et je me prenais de plein fouet tous les ennuis.  Cela ne m’empêchait pas d’arriver en avance, on ne se refait pas ! 

Il y avait les chirurgiens pressés  d’opérer. « La passion »,  ils vous fauchaient le stylo que vous teniez dans les   mains tout en répondant au téléphone.  Et ils partaient en courant, un chirurgien se  reconnaît a quelqu’un qui court,   en fait vous voyiez une blouse blanche passer à toute vitesse, et vous saviez que c’était un chirurgien.

Le stress était énorme, je vais vous décrire la journée en consultation d’orthopédie, 140 patients, je comprends qu’ils se nomment les patients !  Plus les accompagnants, les soignants, les médecins étrangers accompagnant le patron, que  vous n’aviez pas intérêt à contredire.  Il a raison même s’il a  tort, il a raison, parce qu’il  est le chef ! Le professeur avait voulu  enlever un clou à un patient, fils d’une de ses amies, il n’y est pas arrivé et qui s’est fait molester, devinez ? L’infirmière !   Il osait un peu moins avec leur secrétaire car après il la supportait davantage !  Bien fait !

Plusieurs ambulanciers et patients attendaient pour se faire inscrire et pour prévoir radios, vertébrothérapeutes, plâtres à enlever, prises de sang,   pansements…

Nous courrions après le temps,  les malades, les chirurgiens, les secrétaires,   à   midi déjà exsangues,   le travail de l’après midi  restait.    Nous   rêvions d’un bon  réconfortant comme une bonne salade, avec pleins de bonnes choses revigorantes, un bon café,  mais pas question !   L’heure n’est pas au repos mais encore aux soins, courir,  «  oui Monsieur, tout de suite !  »  Pas la peine de contredire,  pas  le temps , il y a trop de monde de partout.  « Où elle  est l’infirmière ? Elle n’est jamais là où il faut ! »  « Oui,  mais elle ne peut être à plusieurs endroit en même temps ! » «  Ah bon ? »  14h  beaucoup de patients encore qui voudraient rentrer chez   eux !  Nous aussi, comme c’est bizarre !  La fatigue se fait sentir, encore des patients  à inscrire et  à diriger vers leurs soins.

Vite, vite un malade s’évanoui  au bureau des entrées, drôle d’idée !  Je saisis un appareil à tension et cours vers le bureau des entrées,  je le place, tension basse, ce patient est sujet  aux malaises vagaux. Il reprend ses esprits,  je cours l’inscrire, j’entends des gens râler, cette journée ne finira donc jamais…

Un ambulancier tape  avec son crayon  sur le bureau,  des fois que cela me ferait avancer plus vite, il me vient des idées de meurtre.

Ma collègue, Danielle, est toujours côté chirurgie digestive et fait de gros  pansements  qu’elle montre aux chirurgiens.  La semaine prochaine nous inter changeront, Danielle sera à l’accueil et moi aux pansements.  Et là j’apprendrais que la personne ayant  pris un malaise vagal au bureau des entrées, c’est un de nos anciens copains d’enfance.  Il m’a  dit « Tu ne m’as même pas regardé,  ni même reconnu », et là je me suis senti minable,  ce n’est pas comme cela que je pensais exercer mon métier d’infirmière.  L’écoute, l’attention,  la compassion, j’avais oublié l’essentiel à force de courir.   Mal dans ma peau, je finis cette journée, où lorsque l’on sort on ne sait plus où on a garé sa voiture. Certains proches nous disent « à quelle heure tu sors ? »  « Quand nos malades sont soignés, angoissés,  envolés ou presque, nos chirurgiens partis,   blouses blanches flottant au vent,   nos anesthésistes servis,  nos examens portés au laboratoire, nos transmissions rédigées, nos stagiaires guidées, surveillées, nos locaux nettoyés, nos stérilisation emmenées pour avoir toutes,  les bons instruments le lendemain   nettoyés  et  stériles ! » 

N’oubliez pas de refaire votre réserve de médicaments, produits pour gros pansements et  surtout soyez souriantes, efficaces,   douces.   Ne me parlez pas de vocation, non évitez…  Je pourrais mal le prendre !

Vous sortez  fatiguées,  mais attention,  les courses, la famille vous réclament.  Heureusement que vous aimez votre  métier,  vous l’avez choisi !   Non ?  La souffrance des patients à prendre en charge  nous use surtout passé la cinquantaine, j’ai souvent espéré avoir une aide psychologique, en cas d’alerte à  la bombe  en 1994, six mois après le décès de maman,  d’agressions, de fatigue après   cinquante ans !

Comment serons nous soignés si on enlève des soignants, des fonctionnaires ?  Nous avons plusieurs raisons de nous inquiéter ! 

Nous essayons de transmettre aux stagiaires notre savoir, mais il est de plus en plus difficile d’être optimiste.

Le métier d’infirmière est un merveilleux métier, mais il faudrait que les politiques nous aident,  nous tombons malades, les vertèbres, le dos, les épaules, cela sert à quoi de nous malmener, de nous contrer, nos surveillantes chef qui ne savent plus travailler, il faut qu’elles  écoutent un peu plus les infirmières sortant des écoles, sinon qui nous soignera ? 

Dans les années soixante dix, Madame Simone Veil était ministre de la santé, là, on a cru à une avancée, mais depuis malgré les défilés, les contestations dans la rue, les choses vont de mal en pis !  Triste période, que faire, les impôts de plus en plus  lourds n’améliorent en rien notre   pouvoir d’achat et alors la crise s’aggrave !   Qui nous écoute ?

Les frais bancaires augmentent  de  13% mais nos pensions restent stables.

Une journée à l’hôpital, c’est tout cela, tous les ennuis que nous traînons avec nous…  On ne devrait pas mais c’est tellement angoissant !

Même à la retraite nous sommes encore concernés, comment serons nous soignés ?   J’entends des réflexions qui me font dresser les cheveux sur la  tête. 

En France nous avions la meilleure médecine il y a dix  quinze ans, les  personnes  étrangères,  pouvant  se le permettre venait se faire soigner en France. Tenons bon,  soyons vigilants. 

Mireille  Lubac

Infirmière  quarante  ans  dans les HCL,   à la retraite depuis  quatorze ans.

A publié plusieurs ouvrages, notamment aux éditions Baudelaire.

http://www.leseditionsdunet.com/4039-ce-jour-la-mireille-lubac-9782312041773.html

 

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